LA CHIRURGIE AU BANGLADESH :
UN DEFI


NEWSLETTER 42︎︎︎ AUTOMNE 2024




EDITO ︎︎︎


Cher(e)s ami(es),

2001 – 2024 : Plus de Vingt ans de présence, d’amitiés, de formations et de partages avec nos Amis bengalis qui nous ont sollicités pour faire évoluer le handicap de l’enfant, quel qu’il soit, au sud-est du Bangladesh.

Le versant chirurgical de ce programme s’est déroulé au Chittagong Maa O Sishu Hospital (CMOSH), hôpital mère-enfant de Chittagong à partir de 2005. Les enfants ont été hospitalisé dans de vastes chambres communes sans aucun confort (ni eau, ni toilettes). Chaque année à notre arrivée, les chambres et le mobilier étaient nettoyés et rénovés. Le bloc opératoire a bénéficié de nouvelles procédures « européennes », de rénovations et de matériels pour optimiser la prise en charge des patients.
 





Tous les personnels ont été formés et en particulier à l’hygiène. Les chirurgiens bengalis ont pratiqué la chirurgie orthopédique, assistés par le pool orthopédique venu chaque année de janvier à avril, « période sèche » au Bangladesh. Cela leur a permis d’obtenir une autonomie à pratiquer les gestes chirurgicaux hors de notre présence.

L’envoi de containers avec tout type de matériel chirurgical a considérablement contribué au développement de la chirurgie. Ces matériels ont été collectés auprès d’hôpitaux et de cliniques de la région Rhône-Alpes et Provence Côte d’Azur.

Notre rigueur concernant l’hygiène, l’entretien et la stérilisation ont permis d’obtenir un taux d’infection de moins de 1%, égal à ceux de nos hôpitaux européens.

En décembre 2023, un nouvel hôpital mère-enfant de 13 étages a été ouvert à Chittagong offrant des espaces plus fonctionnels dont le bloc opératoire, stérilisation et salles de soins spacieuses, mais dont les aménagements seront nécessaires pour optimiser ce bel outil.

Tous les dons que vous nous accordez chaque année, toutes les animations pour nous faire connaître nous permettent de poursuivre ce projet humanitaire ambitieux. Soyez-en remercié ! Remerciements également à tous nos bénévoles (infirmier(e)s, anesthésistes, chirurgiens) qui ont participé à ce versant du programme au cours des 72 missions chirurgicales, 24 missions d’infirmier(es), 6 missions d’anesthésistes.

Merci beaucoup, Onek Donobat!

︎Patrice Sotteau (infirmier anesthésiste, volontaire AMD Bangladesh depuis 2006)






LA CLEF DU PROGRAMME ︎︎︎


︎︎︎Taslim Uddin Chowdhory (chirurgien CMOSH)

Le ︎Docteur Taslim nous a accompagné dans ce programme depuis le début. C’est la clef du programme chirurgical. Sans lui rien n’aurait pu être fait. Il nous livre ici son témoignage :




Je suis chirurgien-résident dans le département de chirurgie orthopédique du CMOSH. Je me suis engagé dans le programme AMD-SARPV depuis le premier jour en 2005 et depuis cette date j’ai participé à toutes les opérations. Actuellement pour les opérations que je maitrise, je les pratique seul. Pour les autres je les fais en cooperation avec les volontaires d’AMD. Par ailleurs, j’assure le suivi des patients durant leur hospitalisation. Je fais les prescriptions. Ensuite les patients sont suivis par l’équipe de Chakaria pour les soins locaux et les appareillages si nécessaire. Après les missions chirurgicales qui durent environ 2 mois, je me rend tous les mois au centre de Chakaria pour traiter les patients atteints de rachitisme ou d'autres déformations comme le pied bot, tout en effectuant régulièrement des opérations au CMOSH à Chittagong.

Ce programme me parait exemplaire. Il permet a des milliers d'enfants pauvres, vulnérables et handicapés de recevoir les services de cette organisation. La plupart de ces patients ne peuvent être pris en charge dans d'autres centres en raison de la pauvreté de leur famille. Seul ce programme offre aux patients pauvres la possibilité d'obtenir des soins de qualité.

J'ai beaucoup appris dans le cadre de ce programme auprès d’une équipe orthopédique française renommée et experte. C’est un plaisir d’apprendre et je suis tellement fier de travailler avec les volontaires français. Je me sens de plus en plus à l’aise en chirurgie orthopédique. Je remercie les volontaires, certains sont devenu mes amis.  Maintenant, je suis capable de faire seul des opérations chirurgicales sur nos enfants dans mon hôpital. Ce programme m'a apporté de grands changements dans ma vie et pour le développement de ma carrière. Maintenant, je suis autonome, mes supérieurs et mes patients croient en mon travail.  Ils me font confiance.

Mon souhait est de continuer à participer à ce programme et continuer d’apprendre. C’est la chance de ma vie de participer à une organisation humanitaire qui soutient les plus pauvres.


Nasrat 7 ansNasrat 9 ans
Nasrat avant opérationNasrat après opération



︎︎︎UN GRAND PAS GRÂCE À LA FONDATION ANBER︎︎︎ 


Grâce aux fondations amies du programme nous avons pu mobiliser en 23 ans 195 000 € pour l’équipement du bloc opératoire. Nous tenons à remercier particulièrement la fondation Anber qui participe à ces investissements depuis 2004. En 2024 nous avons pu grâce à cette fondation acheter pour 30 000 €, une nouvelle table d’opération adaptée à la chirurgie orthopédique et traumatologique. Cette table d’opération a pu être installée dans le nouveau bloc opératoire du CMOSH. C’est un grand pas dans l’amélioration de la prise en charge chirurgicale des patients.   







TRANSMETTRE LES COMPETENCES ET CREER DU LIEN︎︎︎


︎︎︎Franck Chotel (HFME Lyon)


En février 2010, tout juste nommé professeur au CHU de Lyon, j’effectuais ma première mission chirurgicale au Bangladesh : quelle expérience incroyable, inoubliable ! À l’époque, la prise en charge du pied bot était déjà en transition vers la méthode de Ponseti, actuellement reconnue comme le gold standard de prise en charge dans le monde. Mais les kinés du centre appliquaient cette méthode sans vraiment la comprendre, ni la maîtriser… les résultats de la prise en charge étaient incomplets et parfois mitigés. Le besoin d’une mission spécifique de formation était évident…

Février 2011, je retournais à Chakaria accompagné d’une kinésithérapeute, avec l’objectif prioritaire de former à la méthode de Ponseti dans une approche rigoureuse. Notre mission de l’époque alternait de nombreux cours d’enseignement des fondements de la méthode, des ateliers pratiques de réalisation des plâtres, des tests d’évaluation, des tables rondes … Pendant 10 jours, nous avons martelé sans relâche, les grands principes de prise en charge ! Parallèlement, j’ai participé à Chittagong pour une grande conférence magistrale et des démonstrations de technique opératoire « en live » sur le pied-bot. Cette mission très ciblée s’est soldée par une évaluation poussée et une cérémonie de remise de diplôme de qualification à chacun des physios du centre. Ce diplôme source de grande fierté, était une vraie reconnaissance de leurs acquis ! D’autres missions furent nécessaires pour consolider et renforcer les pratiques… L’investissement de l’équipe kinés de l’HFME a été précieux dans ce rôle ; remercions Dominique Morel, Carine Michel, et Catherine Mullier.

Le travail des « monitor field », a permis de recruter des enfants de plus en plus jeunes et de faire des traitements précoces donnant des résultats spectaculaires. Les orthésistes de Chakaria ont vite maîtrisé et adapté l’attelle de dérotation, si importante pour contrer les récidives. Ils ont réussi le challenge d’obtenir l’adhésion des parents au dispositif dans un pays où la prévention en médecine n’avait que peu de place.



2024, quatrième mission, cette fois pleinement dédiée à la chirurgie ! L’accueil est chaleureux, je me sens en famille. Aucun pied bot n’est en discussion pour une chirurgie. La méthode de Ponseti est appliquée à la lettre presque religieusement et fait la fierté du centre. Les ténotomies sont faites tous les mois à Chakaria par le Dr Taslim. Les quelques pieds bots que je vois ont des corrections remarquables. Je fais une conférence de rappel sur la physiopathologie du pied bot et les discussions qui en découlent sont pointues et plus que pertinentes. J’ai la douce sensation de ne plus être dans un enseignement vertical mais dans une interaction avec des collègues experts de la méthode. Les problématiques soulevées sont les mêmes que les nôtres en Europe, l’appropriation de la méthode est totale : quel chemin parcouru ! La prise en charge du pied bot à Chakaria est probablement une des plus performante du pays ; c’est devenu le fer de lance de l’équipe de Chakaria. Cette belle aventure ouvre, aujourd’hui, la perspective vers d’autres horizons où le centre pourrait également monter en compétence en s’intéressant à la luxation de hanche par exemple. Transmettre les compétences et créer du lien entre humains, n’est-ce pas la plus belle manière de mener à bien une mission dite « humanitaire » ?