LE BANGLADESH, VICTIME
DU CHANGEMENT CLIMATIQUE


NEWSLETTER 41︎︎︎ PRINTEMPS 2024




EDITO ︎︎︎


Cher(e)s ami(es),

Le Bangladesh est un pays plat et densément peuplé (170 millions d'habitants pour 150 000 Km²), situé sur le delta du Gange et du Brahmapoutre. Il se trouve en première ligne face aux effets du changement climatique. Il subit de plein fouet les conséquences d'un phénomène auquel il contribue relativement peu (0.56% des émissions globales selon
Germanwatch’s 2021 Global Climate Risk Index).  Bien plus, le Bangladesh est un acteur de la dépollution en recyclant notamment les cargos et pétroliers des pays riches !
 





Le Bangladesh est le 4ème pays le plus submersible au monde. Il est le 7ème pays le plus vulnérable aux catastrophes climatiques. Loin d'être passif, il développe depuis 30 ans une politique volontariste de lutte contre ce changement : on peut citer la construction d'écoles-refuges surélevées à l'abri des inondations, de "rescue centers" pour la population rurale, de routes et de ponts surélevés ou encore la mise en place d'une organisation de secours solidaire dans les villages exposés. Dans cette lettre, nos partenaires SARPV (association Bengalie : Social Assitance and Rehabilitation for Physically Vulnerable) à Dhaka et à Chakaria vous diront leur ressenti et leurs efforts.

Malgré ces efforts, les enfants du Bangladesh restent les premières victimes de cette crise : malnutrition, rachitisme, asthme, maladies liées à l'eau... les maux qui les frappent sont nombreux, combien n'auront d'autre espoir que dans la migration.

Le Bangladesh ne peut se sortir seul de cette situation. Il lance un appel urgent aux pays responsables pour qu'ils prennent des mesures concrètes afin de limiter les effets du changement climatique.

Nous espérons pouvoir compter sur votre générosité pour continuer de soutenir nos amis du Bangladesh.

Très amicalement,


Bernard, Freddy et L’équipe de rédaction AMD Bangladesh







LE CHANGEMENT CLIMATIQUE AU QUOTIDIEN!


︎︎︎Kazi Maskudul Alam (directeur régional du centre de Chakaria SARPV-AMD)



A Chakaria depuis 20 ans nous avons vécu au moins 47 événements climatiques graves. Le plus souvent il s’agissait d’inondations provoquées par des précipitations excessives. Notre région est une des régions du Bangladesh les plus touchées par ces phénomènes du fait des nombreuses rivières et de la proximité du golfe du Bengale.  

Pendant les inondations nous faisons de notre mieux pour maintenir l’activité du centre, mais les patients et le personnel soignant sont confrontés à de grandes difficultés pour accéder au centre.



Pendant ces périodes notre vie est mise à rude épreuve et il est difficile de trouver de la nourriture, de l’eau potable, de se déplacer, de travailler et de se soigner. Les enfants ne peuvent plus se rendre à l’école, et parfois les maisons en plus d’être inondées sont détruites car beaucoup sont en terre battue. En plus, durant ces inondations le risque de développer des diarrhées ou le choléra augmente considérablement tout comme le risque d’avoir le Paludisme, car les moustiques se multiplient.

Plusieurs membres de l’équipe du centre ainsi que leurs familles ont été durement touchés par les inondations de ces dernières années : Ershad Ullah (kinésithérapeute), Rina Akter (assistante ortho-prothésiste), Nazma Akter (assistante logistique), Taslima Zannat (comptable), Protosh (assistant médical) et surtout Salina qui a vus sa maison complètement détruite.




Mais les plus touchés sont certainement les personnes handicapées qui, de plus, sont souvent très pauvres. Pendant ces périodes de crise toute l’équipe essaye de se mobiliser pour le sauvetage des plus faibles. A chaque fois que c’est possible, avec le soutien d’AMD, nous tentons de venir en aide à nos bénéficiaires, en leur fournissant de l’eau potable, des aliments et parfois un refuge au centre de Chakaria.


A l’heure où je vous écris, l’Asie du Sud-est est frappée depuis un mois par une vague de chaleur sans précédent avec des températures à plus de 50°. En Inde et au Bangladesh, les écoles ont été fermées pour limiter l’impact sur les plus jeunes. A Chakaria à cause de cette canicule le four pour la production d’attelles tombe très souvent en panne et dans l’atelier  il fait si chaud que les orthoprothesistes ont pour la plupart de la fièvre. Les conditions de travail sont vraiment difficiles. Nous rêvons de pouvoir bénéficier d’une climatisation. Nous espérons que des donateurs seront sensibles à ce problème!




︎︎︎“CLIMATE CRISIS IS A CHILD CRISIS”︎︎︎


Shahidul Haque (président fondateur de l’ONG SARPV)



A mon avis, le changement climatique est une crise dont les principales victimes au Bangladesh, sont et seront les enfants. Habituellement quand nous commençons à aborder ce sujet nous préférons parler de l’augmentation du niveau de la mer, de l’augmentation progressive du niveau de salinité des zones côtières qui affectent le mode de vie des populations, de l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, de la destruction des biens, et des migrations de population. En grande partie à cause du changement climatique, nous perdons notre biodiversité, ce qui change notre écosystème nos habitudes alimentaires et crée des problèmes sanitaires. Pour le Bangladesh, le changement climatique est un véritable défi. Nous n’avons que peu d’industrie et notre agriculture est basée sur l’utilisation intensive d’engrais chimiques. Ainsi les produits que nous consommons posent une question essentielle : sont-ils bons pour notre santé ? 


Si nous regardons en arrière, que voyons-nous. De jour en jour le nombre de maladies augmente et les enfants souffrent plus qu’avant. Une chose me frappe, c’est la présence de rachitisme qui habituellement apparait par manque de soleil et de vitamine D. Au Bangladesh, le soleil ne manque pas et malgré tout de nombreux enfants sont atteints de rachitisme. Pourquoi donc cela n’existait pas il y a 60 ans ? Qu’est ce qui a changé pendant cette période ? Durant cette période en même temps que le changement climatique produisait ses effets, la sécurité alimentaire c’est détériorée. D’après un rapport du Programme Alimentaire Mondial de 2019, environ 750 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire extrême. Le nombre de personne en état de malnutrition ou d’insécurité alimentaire augmente et le changement climatique semblent jouer un rôle significatif.

Dans un rapport récent, Chirlden’s Climate Risk Index (CCRI), « Climate crisis is a child crisis ». Nous estimons que 850 millions d’enfants de 1 à 3 ans dans le monde vivent dans des zones où les chocs environnementaux et climatiques se superposent. Les enfants souffriront plus que les adultes. Ils ont besoin de plus de nourriture et d'eau par unité de poids corporel. Ils ont moins de résistance pour faire face à des événements climatiques extrêmes. Les enfants sont également plus sensibles aux produits chimiques toxiques, aux changements de température et aux maladies. 

Au cours des trois dernières décennies, le Bangladesh a connu une hausse de la température moyenne et une augmentation de la fréquence des précipitations extrêmes. Selon les estimations de National Innovations in Climate Resilient Agriculture, les rendements du riz au Bangladesh devraient diminuer et qu’il faudrait lui préférer la production de pois chiche. Ces chiffres indiquent clairement la nécessité de mettre en place des stratégies d'atténuation pour assurer la durabilité de l'alimentation et de la nutrition. Si nous ne nous préoccupons pas de cette question, les futures générations risquent d’être malnutris et affaiblies, incapable de se projeter dans une société déséquilibrée.

Réfléchissons à la manière dont nous pouvons réduire les menaces liées au changement climatique. Nous ne pouvons pas faire grand-chose contre la nature, mais nous pouvons réduire la part de l'homme en changeant nos comportements. Si nous aimons vraiment nos générations futures nous devons réfléchir dès aujourd’hui à cette question.






LES INITIATIVES POUR LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE


En parallèle du projet d’Aide Médicale que nous avons développé à Chakaria, l’organisation SARPV s’est engagée dans 3 projets de lutte contre le réchauffement climatique. Ces projets sont administrés par Mr Kamrul.

Le premier est le projet ICS (Improve Cook Stoves) ou « cuisinière améliorée ». La cuisine au Bangladesh est réalisée le plus souvent sur des cuisinières dites « 3 pierres ». Ce sont des cuisinières fonctionnant avec du bois de chauffage, des résidus agricoles, des brindilles, des feuilles ou des bouses de vaches.  Ce type de combustion produit du CO2 et du CO en grande quantité. En plus de participer au réchauffement climatique cela augmente pour les familles le risque de développer des maladies respiratoires (asthme, bronchite chronique, cancer du poumon), des intoxications au monoxyde de carbone sont également possibles. Voilà pourquoi le SARPV a développé ces ICS. Ces « cuisinières améliorées » réduisent de 50% la consommation de combustible, de 95% la production de CO2 et de CO. La cuisson est plus rapide avec ce système. Ce projet participe à la réduction des maladies respiratoires, en particulier chez les femmes qui sont les premières concernées. Il permet de réduire la déforestation, les émissions de gaz à effet de serre et le temps passé à cuisiner. Un atelier de production a été construit à Chakaria et 72 500 familles soit environ 362 500 bénéficiaires ont pu être équipés. Hélas ce projet initialement soutenu par la Banque Mondiale est maintenant à l’arrêt faute de subvention.




Le projet « Biogaz » consiste à produire du biométhane par décomposition des bouses de vaches et des déjections de volailles. Il s’agit d’une simple cuve ou sont mélangés les excréments et de l’eau. La fermentation va produire ce biogaz qui est alors utilisé pour cuisiner. Le résidu de cette fermentation appelé le digestat sera lui utilisé comme engrais biologique, réduisant ainsi l’utilisation d’engrais chimiques. 106 fermes ont été équipées avec ce système dans la région de Cox’s Bazar et de Chittagong.

Le projet « Irrigation solaire ». L’irrigation des champs nécessite l’utilisation de pompes qui fonctionnent au diesel. Des pompes fonctionnant à l’aide de l’énergie solaire photovoltaïque sont proposées aux fermiers. Chacune permet d’irriguer 16 hectares. Pour l’instant 33 pompes ont été installées dans la région de Dinajpur.